Denis de Rougemont Biographie

Denis de Rougemont est né le 8 septembre 1906 à Couvet dans le Canton de Neuchâtel en Suisse. Son père est pasteur. Il poursuit des études de lettres à l’Université de Neuchâtel entre 1925 et 1930. Parallèlement, il entame ses premiers voyages et séjourne notamment à Vienne, en Hongrie et en Souabe.

En 1930, il s’installe à Paris et devient, au sein des mouvements Esprit et L’Ordre Nouveau l’un des fondateurs du Personnalisme, aux côtés d’Emmanuel Mounier, Arnaud Dandieu, Robert Aron, Henri Daniel-Rops et Alexandre Marc. On les a appelés « les non-conformistes des années trente ». Rejetant aussi bien Hitler que Staline, de même que le nationalisme et l’individualisme, ils prônent l’idée d’une organisation politique, économique et sociale qui soit au service de la Personne conçue comme une unité à la fois distincte (l’individu) et reliée à la Communauté (le citoyen), à la fois libre (en tant qu’individu) et responsable (en tant que citoyen).

Le Fédéralisme leur paraît le modèle qui permet le mieux d’unir les Personnes sans renoncer à leur diversité, et c’est pourquoi ils le prônent. En revanche, ils rejettent l’Etat-Nation centralisé comme mode d’organisation de la société.

Durant les années 1930, Denis de Rougemont développe les thèmes du Personnalisme à travers deux ouvrages : Politique de la Personne (1934), Penser avec les Mains (1936). En 1935-1936, il séjourne en Allemagne comme lecteur de français à l’Université de Francfort-sur-le-Main et en ramène un témoignage très négatif sur le nazisme, qu’il livre dans son Journal d’Allemagne (1938). En 1939 paraît L’Amour et l’Occident qui montre l’influence d‘un certain nombre de récits mythiques (dont Tristan et Iseult) sur la conceptions typiquement occidentale d’un amour passionné et finalement destructeur, que l’auteur oppose au véritable amour du prochain.

En 1940, il est mobilisé dans l’armée suisse et, avec d’autres personnalités, il fonde la Ligue du Gothard qui vise à stimuler l’esprit de résistance à Hitler. Ses positions étant jugées peu compatibles avec la neutralité suisse, il est envoyé en mission de conférences aux Etats-Unis. Installé à New York, il publie La part du diable en 1942 qui est une réflexion sur les désordres du monde moderne, englué dans le totalitarisme et le matérialisme. Il se lie avec de nombreux écrivains ou artistes européens en exil (Saint-Exupéry, André Breton, Max Ernst, Marcel Duchamp, Saint-John Perse, Wystan Auden). Après Hiroshima et Nagasaki, il montre, dans ses Lettres sur la bombe atomique (1946), que l’arme nucléaire place les hommes devant un péril mondial qui doit les inciter à dépasser l’idée de souveraineté nationale.

Rentré définitivement en Europe en 1947, il participe, aux côtés des fédéralistes, aux efforts pour unir l’Europe. Le 26 août 1947, il prononce le discours inaugural du premier Congrès de l’Union Européenne des Fédéralistes (L’attitude fédéraliste). Lors du Congrès de La Haye (7-10 mai 1948), il est à la fois rapporteur de la Commission culturelle et rédacteur de la Déclaration finale (Message aux Européens).Durant ce Congrès, la Commission culturelle propose la création d’un Centre Européen de la Culture, tâche dont se saisit Denis de Rougemont qui organise dans ce but la première Conférence Européenne de la Culture (Lausanne, 8-12 décembre 1949). Le Centre Européen de la Culture est finalement constitué à Genève en 1950 et placé sous la direction de Denis de Rougemont.
A la même époque, il se mobilise avec d’autres intellectuels contre la propagande stalinienne véhiculant l’idée d’une culture au service de la lutte des classes, au sein du Congrès pour la Liberté de la Culture dont il devient Président en 1952 (il occupera cette fonction jusqu’en 1966).

A la tête du Centre Européen de la Culture, Denis de Rougemont jeta les bases, en décembre 1950, d’une organisation rassemblant les scientifiques européens travaillant sur l’énergie nucléaire : ce sera le CERN. Il fut à l’origine de la première association réunissant les tout premiers Instituts d’Etudes Européennes, qui fut établie à Genève en 1951 (elle exista jusqu’en 1991), ainsi que de l’Association Européenne des Festivals de Musique. Aux côtés de Robert Schuman, il participa à la création de la Fondation Européenne de la Culture (Genève, 16 décembre 1954) qui se transporta à Amsterdam en 1957 où elle poursuit toujours ses activités.

Il entreprend un travail de réflexion sur les traits culturels qui caractérisent l’Occident par rapport aux autres civilisations. C’est le thème de son ouvrage L’Aventure occidentale de l’Homme (1957) et du groupe de réflexion sur le « dialogue des cultures » (formule reprise plus tard par l’UNESCO) qu’il organise à partir de 1961. Cette même année, il publie un ouvrage sur l’histoire de l’idée européenne intitulé Vingt-huit siècles d’Europe. En 1963, il fonde à Genève un Institut d’Etudes Européennes qui sera incorporé à l’Université en 1992.
A partir des années 1960, son activité se concentrera sur deux thèmes : l’essor des régions et des régions transfrontalières qui le mène vers l’idée d’un fédéralisme se conjuguant à l’idéal d’une « Europe des Régions » ; la destruction de l’environnement qui le conduit à remettre en question les finalités de nos sociétés. Il voit dans l’émergence de régions à taille humaine à la fois une alternative à l’Etat-Nation et la chance de réintroduire dans nos sociétés la notion de responsabilité si indispensable à la préservation de l’environnement. Ecologie et régions sont au centre de ses deux derniers ouvrages majeurs : Lettre ouverte aux Européens (1970), L’Avenir est notre affaire (1977).

On relèvera également la permanence de sa réflexion sur le développement technique et ses conséquences, depuis son ouvrage sur la bombe atomique datant de 1946 jusqu’à l’informatique (article « Information n’est pas savoir » en 1981), en passant par l’énergie nucléaire civile (le CERN).

Denis de Rougemont meurt à Genève le 6 décembre 1985.