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En 1930, il sinstalle à Paris et devient, au sein des mouvements
Esprit et LOrdre Nouveau lun des fondateurs du Personnalisme,
aux côtés dEmmanuel Mounier, Arnaud Dandieu, Robert
Aron, Henri Daniel-Rops et Alexandre Marc. On les a appelés « les
non-conformistes des années trente ». Rejetant aussi
bien Hitler que Staline, de même que le nationalisme et lindividualisme,
ils prônent lidée dune organisation politique,
économique et sociale qui soit au service de la Personne conçue
comme une unité à la fois distincte (lindividu)
et reliée à la Communauté (le citoyen), à
la fois libre (en tant quindividu) et responsable (en tant que
citoyen).
Le Fédéralisme leur paraît le modèle qui
permet le mieux dunir les Personnes sans renoncer à leur
diversité, et cest pourquoi ils le prônent. En revanche,
ils rejettent lEtat-Nation centralisé comme mode dorganisation
de la société.
Durant les années 1930, Denis de Rougemont développe les
thèmes du Personnalisme à travers deux ouvrages :
Politique de la Personne (1934),
Penser avec les Mains (1936). En 1935-1936,
il séjourne en Allemagne comme lecteur de français à
lUniversité de Francfort-sur-le-Main et en ramène
un témoignage très négatif sur le nazisme, quil
livre dans son Journal dAllemagne
(1938). En 1939 paraît LAmour
et lOccident qui montre linfluence dun certain
nombre de récits mythiques (dont Tristan et Iseult) sur la conceptions
typiquement occidentale dun amour passionné et finalement
destructeur, que lauteur oppose au véritable amour du prochain.
En 1940, il est mobilisé dans larmée suisse et,
avec dautres personnalités, il fonde la Ligue du Gothard
qui vise à stimuler lesprit de résistance à
Hitler. Ses positions étant jugées peu compatibles avec
la neutralité suisse, il est envoyé en mission de conférences
aux Etats-Unis. Installé à New York, il publie La
part du diable en 1942 qui est une réflexion sur les
désordres du monde moderne, englué dans le totalitarisme
et le matérialisme. Il se lie avec de nombreux écrivains
ou artistes européens en exil (Saint-Exupéry, André
Breton, Max Ernst, Marcel Duchamp, Saint-John Perse, Wystan Auden).
Après Hiroshima et Nagasaki, il montre, dans ses Lettres
sur la bombe atomique (1946), que larme nucléaire
place les hommes devant un péril mondial qui doit les inciter
à dépasser lidée de souveraineté nationale.
Rentré définitivement en Europe en 1947, il participe,
aux côtés des fédéralistes, aux efforts pour
unir lEurope. Le 26 août 1947, il prononce le discours inaugural
du premier Congrès de lUnion Européenne des Fédéralistes
(Lattitude fédéraliste). Lors du Congrès
de La Haye (7-10 mai 1948), il est à la fois rapporteur de la
Commission culturelle et rédacteur de la Déclaration finale
(Message aux Européens).Durant ce Congrès, la Commission
culturelle propose la création dun Centre Européen
de la Culture, tâche dont se saisit Denis de Rougemont qui organise
dans ce but la première Conférence Européenne de
la Culture (Lausanne, 8-12 décembre 1949). Le Centre Européen
de la Culture est finalement constitué à Genève
en 1950 et placé sous la direction de Denis de Rougemont.
A la même époque, il se mobilise avec dautres intellectuels
contre la propagande stalinienne véhiculant lidée
dune culture au service de la lutte des classes, au sein du Congrès
pour la Liberté de la Culture dont il devient Président
en 1952 (il occupera cette fonction jusquen 1966).
A la tête du Centre Européen de la Culture, Denis de Rougemont
jeta les bases, en décembre 1950, dune organisation rassemblant
les scientifiques européens travaillant sur lénergie
nucléaire : ce sera le CERN. Il fut à lorigine
de la première association réunissant les tout premiers
Instituts dEtudes Européennes, qui fut établie à
Genève en 1951 (elle exista jusquen 1991), ainsi que de
l'Association Européenne des Festivals de Musique. Aux côtés
de Robert Schuman, il participa à la création de la Fondation
Européenne de la Culture (Genève, 16 décembre 1954)
qui se transporta à Amsterdam en 1957 où elle poursuit
toujours ses activités.
Il entreprend un travail de réflexion sur les traits culturels
qui caractérisent lOccident par rapport aux autres civilisations.
Cest le thème de son ouvrage LAventure
occidentale de lHomme (1957) et du groupe de réflexion
sur le « dialogue des cultures » (formule reprise
plus tard par lUNESCO) quil organise à partir de
1961. Cette même année, il publie un ouvrage sur lhistoire
de lidée européenne intitulé Vingt-huit
siècles dEurope. En 1963, il fonde à Genève
un Institut dEtudes Européennes qui sera incorporé
à l'Université en 1992.
A partir des années 1960, son activité se concentrera
sur deux thèmes : lessor des régions et des
régions transfrontalières qui le mène vers lidée
dun fédéralisme se conjuguant à lidéal
dune « Europe des Régions » ;
la destruction de lenvironnement qui le conduit à remettre
en question les finalités de nos sociétés. Il voit
dans lémergence de régions à taille humaine
à la fois une alternative à lEtat-Nation et la chance
de réintroduire dans nos sociétés la notion de
responsabilité si indispensable à la préservation
de lenvironnement. Ecologie et régions sont au centre de
ses deux derniers ouvrages majeurs :
Lettre ouverte aux Européens (1970), LAvenir
est notre affaire (1977).
On relèvera également la permanence de sa réflexion
sur le développement technique et ses conséquences, depuis
son ouvrage sur la bombe atomique datant de 1946 jusqu'à l'informatique
(article "Information n'est pas savoir" en 1981), en passant
par l'énergie nucléaire civile (le CERN).
Denis de Rougemont meurt à Genève le 6 décembre
1985.
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